BalanceTonProust : Pour une politique de la mésentente

À la Recherche du temps perdu répond à la double injonction impliquée dans l’impératif « balance ». Balance ton livre, jette-le, comme Proust lui-même le recommande dans « Sur la lecture », fabrique toi-même le miel que tu ne trouveras pas entre ses pages. Mais « balancer » c’est aussi « dénoncer » car le livre n’est pas sacré : il est le réceptacle des défauts de son auteur et des maux qui traversent son époque. C’est cette deuxième interprétation de l’injonction « balance », comme phénomène collectif plutôt que personnel, qui sera examinée dans la Recherche. A partir d’une analyse de lectures en apparence contradictoires, voire dissonnantes, du personnage de Françoise (par Annie Ernaux et Nathalie Quintane), je propose de démontrer que Proust est politique non pas parce que la Recherche contient un quelconque plaidoyer sur la condition domestique mais parce qu’elle est une mise en acte ou mise en scène de ce que Jacques Rancière appelle la « mésentente », ou dissensus, un espace ouvert au conflit où circule la parole dans son amplitude maximale.